Fermeture d’Arcelormittal : retrouvez plusieurs articles traitant de cet évènement exceptionnel.
LA PROVENCE : « On en a respiré de la merde… » : les ex-salariés d’ArcelorMittal à Fos exaspérés
Par Pascal STELLA
Mercredi 28 juin 2023
Après l’ordre émanant de l’inspection du travail d’une « fermeture administrative de l’aciérie » d’ArcelorMittal à Fos-sur-Mer en raison d’un niveau trop élevé d’exposition des salariés à des produits toxiques et poussières, l’exaspération domine, comme une prémonition et le sentiment d’anciens salariés d’avoir été des « sacrifiés » de la pollution.
C’est un nouvel épisode comme une mauvaise saga autour du site d’ArcelorMittal, mastodonte d’acier sur les bords du Golfe de Fos, plus que jamais dans le viseur. Même si le sidérurgiste a entamé d’importants travaux de modernisation ces dernières années, même s’il y a eu du changement, il ne faut pas le nier, l’actualité reste embrumée du côté du géant de l’acier.
Si la direction a rappelé ce mardi dans un communiqué que « son engagement reste total pour protéger la santé et renforcer la sécurité de toutes les personnes travaillant sur le site », et « va accélérer la mise en œuvre de son plan d’actions pour réduire l’exposition de ses salariés et sous-traitants travaillant à l’aciérie », l’industriel qui emploie plus de 2 500 salariés est plus que jamais pointé du doigt, avec une question de pollution tout sauf réglée.
Plus que les cris d’alarme de syndicats, même s’il y a des dissonances, cette fois, c’est l’administration qui a mis le holà. Un camouflet pour le deuxième sidérurgiste mondial avec l’inspection du travail qui a ordonné à l’entreprise « une fermeture administrative temporaire » du département de l’aciérie (où est fondu l’acier) en raison d’expositions trop élevées des salariés à des produits toxiques et d’une protection insuffisante.
Une sanction rarissime
Des dépassements des seuils légaux, qui reviennent comme des boomerangs, jetant une grosse ombre sur les efforts de décarbonation mis en avant par ArcelorMittal. Une sorte de série noire pour le géant sidérurgique, dont l’actualité fait couler mille questions et des inquiétudes permanentes sur les conséquences de la pollution industrielle sur la santé. Au-delà des émissions de CO2, qui affectent le climat.
Fréquents incidents d’exploitation, symboles ces 5 mises aux chandelles des gaz de cokerie en 2021, mises en demeure préfectorales ainsi que des plaintes judiciaires pour pollution de riverains et d’associations, jusqu’à une enquête au brûlot publiée en mars dernier par Marsactu et Disclose, pointant que « l’aciérie de Fos avait dépassé largement les seuils de pollution atmosphérique pendant les deux tiers de l’année en 2022 », l’exaspération domine. Si la première salve de plaintes pour troubles anormaux du voisinage contre trois industriels du golfe de Fos dont Arcelor est tombée à l’eau avec 14 plaignants déboutés au tribunal d’Aix-en-Provence – d’autres sont en cours au pénal -, le géant de l’acier reste dans la tourmente et n’en finit plus de susciter l’émoi.
De nombreuses réactions ont suivi le coup de tonnerre de dimanche. Le maire de Fos-sur-Mer René Raimondi a regretté « avoir appris la nouvelle par la presse malgré les entrevues nombreuses et régulières avec l’industriel », rappelant que « malgré la mutation engagée par Arcelor en matière de décarbonation, la question des émissions demeure prégnante et il convient d’y travailler d’arrache-pied. Les promesses d’avenir qui doivent tous nous unir pour une industrie décarbonée et un meilleur avenir pour nos enfants ne doivent pas être compromis par de tels manquements. »
Un ancien salarié n’est pas étonné par ce nouveau coup de semonce, même si « c’est un gros coup de l’Inspection du travail, une sanction rarissime. En 40 ans de maison et d’action syndicale (CFDT), j’ai jamais vu ça ! Mais ça devait arriver…, avance Bernard Huriaux. Ça fait des années que les représentants du personnel dénoncent cette situation, mais la direction nargue les gens » estime l’ancien salarié, tout en brandissant le tract de la CFDT dénonçant que « la Direction ne règle pas les problèmes de mise en danger des salariés assez rapidement. Il y a beaucoup de com’, mais c’est du pipeau ! »
Le lanceur d’alerte Daniel Moutet, président de l’Association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos, y voit « un sacré message venu de l’intérieur cette fois. Si les salariés respirent des polluants, nous aussi. »
Avec le recul de sa retraite, Serge Baudoin, âgé de 73 ans, s’étrangle aussi, se sentant comme un « sacrifié de la pollution ». « Quand l’inspection du travail estime que les agents sont très exposés aujourd’hui, moi je demande ce qu’on a respiré alors, nous ! S’il y a des évolutions, nous on n’avait pas de masques spéciaux. On en a respiré de la merde (sic). C’est fou d’en arriver à des extrémités comme ça. C’est un choc pour les gens et les salariés. » Comme un contrecoup.
Dix ans à la cokerie d’abord en tant qu’électromécanicien, 29 ans aux hauts-fourneaux en tant que technicien de maintenance puis dépanneur électricien jusqu’en 2009, cet ancien salarié dit « vivre encore aujourd’hui avec la pollution », et « trop longtemps des black-out sur les dépassements ».
« Les lignes bougent aujourd’hui, mais à l’époque, il n’y avait aucune consigne, pas de masques ventilés. Il y avait de l’amiante à profusion. On prenait des rouleaux d’amiante sous le bras pour protéger les réseaux électriques des enfourneuses. On était en apnée. Même avec un masque, on a respiré de la merde. Aujourd’hui, j’ai eu comme cadeau de ma carrière 3 suivis post-professionnels tous les deux ans pour l’amiante et les HAP, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, ça, on me l’avait pas dit à l’embauche ! », regrette le retraité. « La retraite, certains n’en profitent pas longtemps. La semaine derrière, j’étais encore à l’enterrement d’un collège, parti à 70 ans… On en a démontré 84 de 2009 à 2018, on a fini par arrêter cette liste morbide. »
« On a vu les collègues de la cokerie attraper des cancers de la vessie, des testicules, et même un mourir d’un cancer du cerveau, surenchérit Bernard Huriaux. On reste dans une méthode ancienne, avec des dégâts collatéraux dans les processus de fabrication. Il faut moderniser », implore-il tout en gardant en travers que la justice a considéré ces nuisances comme « normales » avec « une prépondérance de l’activité industrialo-portuaire sur la zone ».
« Le combat continue, on ne désarme pas, prévient Serge Baudoin dans la bataille des plaintes judiciaires en cours. On ne les attaque pas pour que les industriels ferment, on veut juste le respect des normes européennes, qu’ils dépassent allègrement. »
LA MARSEILLAISE : Arcelor à l’arrêt, la santé des salariés en question
Mercredi 28 juin 2023
Après la fermeture d’une partie du site prononcée par l’inspection du travail dimanche, syndicats et responsables réagissent et laissent entrevoir la suite.
Ça pendait au nez de la direction. » Sandy Poletto, délégué syndical CGT chez ArcelorMittal, n’est pas surpris par la décision prise ce dimanche par l’inspection du travail d’arrêter temporairement le département de l’aciérie.
« Malgré l’appui de sources médicales fiables, la direction ne nous prenait pas au sérieux lorsque l’on faisait part de nos inquiétudes vis-à-vis de la santé des employés » poursuit le délégué syndical.
Aujourd’hui, après deux contrôles opérés dans les locaux le 25 avril et le 14 juin, l’inspection du travail a estimé « la persistance d’une situation dangereuse pour les travailleurs » comme « résultat de l’insuffisance du plan d’action » entrepris par la direction. En cause, l’exposition des salariés à des substances chimiques, à des fibres de céramiques réfractaires, à des poussières et surtout à la silice cristalline, un minéral entraînant d’important troubles respiratoires. Considérée depuis deux ans comme un produit Cancérogène, mutagène, toxique pour la reproduction (CMR), « l’amiante d’hier » avait déjà fait l’objet de plaintes du personnel mais, selon Christian Cassini, délégué syndical CFDT, « les plans d’action précédents, n’ont jamais été à la hauteur ».
Dans son rapport, l’inspection du travail met évidemment en cause le matériel mis à disposition des employés et préconise des dispositifs isolants et ventilés plutôt que FFP3, dont la direction « met en œuvre l’obligation du port ».
La dernière manœuvre des responsables a été soumise au vote des collaborateurs, résultat : la CGT l’a refusé, la CFDT ne s’est pas prononcée tandis que la CFE CGC, FO, le CSE et la médecine du travail ont donné un avis favorable.
Arcelor disposait de 48 heures pour se conformer à la décision de l’inspection du travail mais relate aujourd’hui « la complexité de cette procédure qui nécessitera 6 à 8 semaines ».
Un CSE extraordinaire prévu
Quoi qu’il en soit, cette décision d’arrêt fait réagir en terre fosséenne. La section PCF de la ville reproche à Arcelor de « mentir en déclarant que la santé et la sécurité des travailleurs serait sa priorité ». René Raimondi, maire (DVG) de Fos-sur-Mer, regrette que « malgré la mutation engagée par Arcelor en matière de décarbonation, la question des émissions demeure prégnante et il convient d’y travailler d’arrache-pied ».
Arcelor affirme « continuer de mettre tous les moyens à la disposition des collaborateurs afin d’assurer leur sécurité » et détaille des points d’amélioration comme « la construction de sas et/ou le renforcement de l’étanchéité pour les cabines de conduite, vestiaires, réfectoires et salles de réunion ». Un CSE extraordinaire est prévu ce mercredi matin mais le doute plane, quelques jours après les déclarations de la direction qui laissaient sous-entendre, selon la CFDT, que si « l’entretien de l’usine commençait à devenir complexe, cela pourrait mettre en péril les investissements extérieurs et donc l’existence d’ArcelorMittal Fos-sur-Mer ».
Marwan Nabli
« Les plans d’action, n’ont jamais été à la hauteur. »
Christian Cassini, délégué syndical CFDT
LA MARSEILLAISE : Arcelor répond à l’obligation de fermeture temporaireb
Jeudi 29 juin 2023
Au cours d’un CSE extraordinaire, la direction d’ArcelorMittal a détaillé, mercredi, les actions à venir qui coordonnent l’arrêt temporaire du site imposé par l’inspection du travail.
On remarque qu’ils se sont gratté davantage la tête sur les trois derniers jours que sur les trois derniers mois. » Olivier Dolot, représentant CGT d’ArcelorMittal, préfère relativiser avec ironie, mercredi à la sortie d’un CSE extraordinaire organisé par la direction fosséenne du géant de la sidérurgie.
Trois jours après l’obligation de fermeture du département de l’aciérie, l’inspection du travail a officialisé sa décision à travers un communiqué dans lequel elle détaille ses observations : « L’inspection du travail a constaté, le 25 avril 2023, que les salariés étaient exposés à des produits cancérogènes présents dans l’atmosphère de travail dans des concentrations particulièrement importantes et que les mesures de prévention étaient insuffisantes au regard de la réglementation applicable. »
Les attentes des représentants des employés étaient donc grandes ce mercredi, mais les réponses des dirigeants n’ont pas donné pleine satisfaction : « Ils ont étoffé le plan d’actions présenté vendredi dernier, on le remarque bien, puisque cette fois-ci, ils nous disent que certaines installations vont être arrêtées à partir de début août, mais certains doutes planent », explique Olivier Dolot. Les deux hauts-fourneaux du site doivent effectivement s’arrêter dans un mois, puis viendra l’heure de la cokerie et enfin de l’aciérie. Ces trois unités sont liées, la fermeture de l’une entraînant l’arrêt des deux autres.
Un arrêt plus long que prévu ?
Dans l’aciérie, qui est le département sujet à fermeture, les inspecteurs ont détecté la présence de silice cristalline, un minéral nocif, contre lequel les employés ne sont pas assez équipés : « La protection individuelle des employés est plus conséquente dans ce dernier plan d’actions, puisque des masques ventilés ont été commandés, mais on a le sentiment que ça se fait au détriment du nettoyage des poussières », commente le représentant CGT. De son côté, la direction rétorque en affirmant « avoir étendu l’obligation du masque FFP3 dès le 1er février 2023, anticipant de 5 mois l’obligation réglementaire »et juge que« ce dispositif répond à la réglementation en vigueur et assure la protection du personnel ».
Christophe Ibanez, représentant FO, estime lui aussi que la direction est sur la bonne voie : « Ils nous ont informés de premières recherches début juillet pour un produit de substitution à la silice cristalline, qui pourrait être effectif début octobre. » Ce qui inquiète davantage le délégué du personnel, c’est le futur des employés : « Un problème économique important va se poser, pas uniquement pour les centaines de salariés de l’aciérie, mais pour les 2 500 hommes et femmes présents sur tout le site. D’après notre juriste, certains risquent de se retrouver au chômage technique avec 60 % de rémunération brute ou dans une situation d’activité partielle mais on ne sait toujours pas combien de temps l’arrêt va durer. Le plus court sera le mieux. »
Arcelor « privilégie la voie du dialogue et étudie les possibilités de recours contre cette décision de suspendre l’activité de l’aciérie, qui entraîne l’arrêt de l’ensemble du site » et souhaite « continuer de mettre tous les moyens à la disposition des collaborateurs afin d’assurer leur sécurité ». Un nouveau CSE durant lequel le plan d’actions sera soumis au vote des collaborateurs se tiendra ce jeudi midi, presque une semaine après la validation du plan précédent par la médecine du travail.
Marwan Nabli
LA MARSEILLAISE : Arcelor contraint à un arrêt temporaire de son aciérie
Lundi 26 juin 2023
L’inspection du travail a ordonné vendredi au groupe de fermer temporairement son département acier face au manque de mesures de protection des salariés. Une première.
Depuis vendredi après-midi, le site d’ArcelorMittal de Fos-sur-Mer ne produit plus d’acier. Le géant de la sidérurgie a été contraint par l’inspection du travail de mettre temporairement à l’arrêt les installations de son aciérie, pour « laisser le temps à la direction d’effectuer les travaux de remise en état des installations pour protéger les salariés des risques de contamination aux agents cancérigènes mutagènes et toxiques pour la reproduction », explique la CGT du site fosséen. 450 salariés sont directement concernés par cette décision mais conserveront leur salaire en intégralité, précise le syndicat. Selon l’entreprise, l’ensemble de l’activité du site sera suspendue.
L’entreprise avait présenté un plan pour réduire l’exposition des travailleurs aux poussières des produits utilisés pour la fabrication de l’acier, approuvé vendredi en comité social et économique exceptionnel malgré l’opposition de la CGT. « Ils se contentaient de mettre en œuvre des équipements de protection individuels, comme des masques, mais rien n’était fait sur la filtration ou la circulation de l’air », déplore Sandy Poletto, délégué syndical central CGT. Un point de vue partagé par l’inspection du travail qui a ordonné l’arrêt temporaire. « C’est la première fois qu’on voit ça », explique le responsable syndical. « C’est la bonne solution, c’est la seule qui permet de protéger la santé des salariés. »
« Disproportionné »
« La santé et la sécurité au travail sont la priorité principale de l’entreprise », répond le groupe dans un communiqué de presse qui juge la décision « infondée et disproportionnée ». Le plan d’action renégocié dans les dernières semaines pour réduire l’exposition du personnel aux risques avait recueilli l’avis favorable de la médecine du travail, met en avant l’entreprise qui indique étudier « toutes les possibilités de recours ». Elle dispose pour cela de huit jours, sans que le recours ne soit suspensif.
Yves Souben
Également des liens vers des articles traitant de l’affaire :